Claire et Roger, portrait express

Ils se complètent tant, et si bien, que réellement, toute leur vie ou presque, ils ne font qu'un.

Lorsqu'ils se rencontrent, étudiants à Paris, postulant à l'Ecole Normale Supérieure tous les deux, lui ne connaît que les plaines du nord, et la littérature, bien sûr. C'est elle, parisienne, qui lui fait découvrir l'art, les monuments, et l'entraîne dans les musées. Alors, ce serait si beau, si véridique, si mérité, de pouvoir parler aujourd'hui à Clermont, non pas du Marq - vraiment, quel horrible surnom ! - mais, comme je le propose, d'un Musée d'Art Claire et Roger Quilliot. Car je vois bien qu'on les oublie, injustement.

Ensuite, elle, la rebelle, prof engagée, jusqu'au coeur, jusqu'à l'âme, en même temps féministe, mais à sa manière, évidemment, découvre l'étonnante capacité de son mari, en même temps, d'écrire, d'enseigner avec passion, et de vouloir rendre plus heureuse la vie des petites gens, au moyen d'un socialisme raisonnable, bienveillant et humain. Dès lors, elle fera tout pour l'aider à accomplir son destin, le soutenir dans ses combats, l'épauler dans son ascension. Elle s'occupe de l'intendance lorsqu'il est en campagne, député, maire de Clermont... Elle l'accompagne à Paris lorsqu'il devient ministre de François Mitterrand. Jusqu'à, tant qu'ils le pourront, faire reculer, toujours ensemble, les souffrances et les maladies qui l'assaillent.

Leur vie a donc été une "osmose" jusqu'au bout. Ils ne feront qu'un jusqu'à vouloir mourir ensemble au nom du droit de mourir dans la dignité, tellement le mal avait rongé Roger jusqu'à ses extrêmes limites. Car il n'était pas question pour lui ni de souffrir pour rien,  ni d'être réduit à survivre dans l'impuissance. Et ce soir de 14 juillet 1998, le feu d'artifice de la place de Jaude, orchestré avec minutie par André, le maître de l'espace public, fut très réussi, comme d'habitude. Malheureusement, Claire, au dernier moment, avait "manqué l'avion". Les médecins du CHU l'avaient extirpée du coma "comme on viole" s'insurgera-telle...

Auparavant, Claire avait brûlé beaucoup de ses cahiers de souvenirs, et surtout leurs lettres d'amour. Jamais ils n'auraient songé à les faire publier. Une seule, égarée, ou pieusement conservée, réapparut un jour, un an après la mort de Roger. A l'occasion de la sortie du deuxième tome de ses Mémoires, sur lequel elle avait travaillé comme une folle plus d'un an, elle la confiera à la journaliste du quotidien La Montagne, Michelle Hufnagel. Je tiens aujourd'hui entre les mains avec émotion cette page datée du mercredi 7 février 2001 pour vous lire cette lettre de Roger à Claire : "Pardonne-moi de t'avoir voulue à moi seul et de ne pouvoir te combler, de n'être pas assez fort pour la durée et la brûlure ensemble. Sache seulement que la brûlure est là, et qu'il suffit pour la réveiller, d'une larme de tes yeux, mon amour"...

Puis elle était partie, elle aussi, dans la dignité. Comme l'avait fait aussi Pierre Bérégovoy face aux accusations abjectes. Merci à cette plaque fixée au mur du hall du Musée d'Art Roger Quilliot, qui rappelle l'inauguration du lieu en présence du Premier ministre, et qui m'a commandé, un jour, d'écrire ce livre.

 

 

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